Page:Voragine - Légende dorée.djvu/562

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Dieu, je suis ton frère, car les laboureurs qui m’ont élevé m’ont raconté qu’ils m’avaient tiré de la gueule d’un loup, au bord du même fleuve ! » Et, tout en larmes, ils se jetèrent aux bras l’un de l’autre. Leur mère, cependant, qui avait entendu leur récit, se rendit le lendemain chez le chef de l’armée et lui dit : « Je te prie, Seigneur, de me faire ramener dans ma patrie, car je suis romaine et de race noble ! » Et, tandis qu’elle parlait, levant les yeux sur Eustache, elle le reconnut. Elle se jeta à ses pieds et lui dit qui elle était. Eustache, la reconnaissant de son côté, la couvrit de baisers, et glorifia Dieu, consolateur des affligés. Puis sa femme lui dit : « Mon ami, où sont nos fils ? » Et lui : « Des bêtes les ont dévorés ! » Et il lui raconta comment ils les avait perdus. Et elle : « Rendons grâces à Dieu, car, de même qu’il nous a permis de nous retrouver l’un l’autre, je crois qu’il va nous permettre de retrouver nos enfants. » Sur quoi elle lui répéta le récit des deux jeunes soldats. Et Eustache, les ayant mandés, leur fit encore répéter leurs récits ; et il reconnut ses fils ; et sa femme et lui, fondant en larmes, ne se fatiguaient point de les embrasser.

Mais, lorsque Eustache revint à Rome avec son armée victorieuse, Trajan venait de mourir, et à sa place venait démonter sur le trône le méchant Adrien. Celui-ci, cependant, fit l’accueil le plus empressé au vainqueur des barbares, et offrit en son honneur un repas magnifique. Mais, le lendemain, s’étant rendu au temple pour sacrifier aux idoles, il vit qu’Eustache se refusait à tout sacrifice. Il lui en demanda la raison. Et Eustache : « Je n’adore pas d’autre dieu que le Christ, et à lui seul je puis sacrifier ! » Alors, l’empereur, furieux, le fit exposer dans l’arène avec sa femme et ses fils, et fit lâcher sur eux un lion féroce. Mais le lion, s’étant approché d’eux, baissa la tête comme pour les saluer, et s’éloigna humblement. L’empereur les fit ensuite plonger à l’intérieur d’un bœuf d’airain rougi au feu, et pendant trois jours il les y laissa. Le troisième jour, quand on les retira, ils étaient morts, mais pas un cheveu, pas une partie de