Page:Voragine - Légende dorée.djvu/664

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paraître dédaigner les ordres de son père, comme aussi pour procréer des fils au service de Dieu. Fidèle à la couche nuptiale, toujours elle resta chaste d’intention. Et elle fit vœu devant maître Conrad, que, si elle survivait à son mari, elle observerait une continence perpétuelle. Elle épousa le landgrave de Thuringe ; mais, tout en changeant de condition de vie, elle ne changea point de disposition intérieure. Jamais elle ne cessa de montrer sa dévotion et son humilité devant Dieu ; son austérité et son abstinence à l’égard de soi-même ; sa largesse et sa compassion envers les pauvres. Sa ferveur pour la prière était si grande qu’elle devançait à l’église ses servantes même, comme si elle eût voulu, par des prières secrètes, obtenir de Dieu quelque grâce spéciale. La nuit, souvent elle se relevait pour prier, malgré la défense que, par sollicitude pour sa santé, lui en faisait son mari. Elle s’était entendue avec une de ses servantes pour que celle-ci, les nuits où elle tarderait à se réveiller, la tirât de son sommeil en lui donnant un coup sur les pieds. Et une nuit ; la servante au lieu de frapper sur les pieds de sa maîtresse, frappa sur ceux du mari, qui, soudain réveillé, comprit toute la chose, mais, sagement, feignit de ne s’être aperçu de rien. Toujours aussi Élisabeth pleurait en priant ; mais ces douces larmes n’altéraient son visage que pour lui donner une expression d’Une joie céleste.

Modèle d’humilité, elle s’attachait à ne pas dédaigner même les choses les plus viles et les plus repoussantes. Ayant rencontré un mendiant dont tout le visage n’était qu’une plaie ignoble et infecte, elle le recueillit sur son sein, lui coupa les cheveux et lui lava la tête, en présence de ses servantes qui se moquaient du pauvre homme. Aux Rogations, elle suivait la procession pieds nus, en robe de laine ; et, à chaque station, on la voyait prendre place parmi les mendiantes. Lorsqu’elle se rendait à l’église pour ses relevailles, jamais elle ne s’ornait comme les autres femmes ; mais, à l’exemple de la Vierge immaculée, elle se rendait à l’autel en portant elle-même le nouveau-né dans ses langes ; et humblement elle offrait