Page:Voragine - Légende dorée.djvu/701

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remis en liberté le rossignol ; et, pour le reprendre, il lui disait : « Viens dans ma maison, tu y verras bien des choses curieuses, et je te ferai un beau cadeau ! » Et le rossignol : « Maintenant je reconnais, sans erreur possible, que tu es un sot, car de mes trois conseils tu ne tires aucun profit. Tu t’affliges de m’avoir perdu, tandis que tu ne saurais me ravoir ; tu t’efforces de m’atteindre, tandis que c’est chose impossible ; et tu crois que je puis avoir dans le ventre un diamant dix fois plus gros que mon corps tout entier ! » Et Barlaam ajouta : « Non moins stupides sont ceux qui croient aux idoles et invoquent l’appui de statues qu’ils ont eux-mêmes fabriquées ! »

Puis Barlaam exposa au jeune prince le mensonge et la vanité des plaisirs du monde. Et, à l’appui de ses arguments, il lui raconta les apologues suivants. Il lui dit, d’abord, que ceux qui désirent les plaisirs corporels au détriment de leur âme ressemblent à un homme qui, fuyant devant une licorne, tomba dans un précipice. En tombant, il s’accrocha des deux mains à un arbuste et enfonça ses pieds dans une boue glissante. Il vit alors que deux rats, un blanc et un noir, rongeaient les racines de l’arbuste et étaient déjà sur le point de le détacher. Au fond de l’abîme, il vit un dragon terrible qui ouvrait la bouche pour le dévorer ; et, dans la boue où s’étaient enfoncés ses pieds, il vit quatre vipères qui levaient la tête. Mais soudain il aperçut une goutte de miel qui découlait d’une branche de l’arbuste. Et aussitôt, oubliant tous les dangers qui l’entouraient, il se laissa aller à la douceur de manger ce miel. Et Barlaam dit à Josaphat : « La licorne, c’est la mort, que l’homme s’efforce de fuir. L’abîme, c’est notre monde de misère. L’arbuste c’est notre vie, dont les racines sont rongées jour et nuit, et dont l’écroulement est sans cesse plus proche. Les quatre vipères sont les quatre éléments, dont le désordre amène la dissolution du corps. Le dragon, c’est le diable. Et la goutte de miel, ce sont les plaisirs décevants dont la poursuite nous détourne de la vue de notre destinée. »

Autre exemple. Ceux qui aiment le monde sont pareils