Page:Voragine - Légende dorée.djvu/702

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à un homme qui avait trois amis, dont il l’aimait l’un plus que lui-même, le second autant que lui-même, le troisième moins que lui-même. Cet homme, étant en danger de mort, courut invoquer l’aide du premier ami. Et celui-ci : « Malheureux, je ne puis rien pour toi ! J’ai d’autres amis avec qui je dois me réjouir. Tout ce que je puis faire pour toi, c’est de te donner ces deux cilices, pour te couvrir en cas de besoin. » L’homme alla trouver son second ami, qui lui dit : « Je n’ai que faire de souffrir avec toi, étant moi-même accablé de souci. Je puis seulement, si tu veux, te faire un pas de conduite jusqu’à la porte du tribunal. » Alors l’homme, désespéré, aller trouver son troisième ami, et lui dit, la mine basse : « J’ose à peine te parler, car je ne t’ai pas aimé comme je le devais. Mais, dans l’embarras où je me trouve, et sans autres amis, je me suis dit que peut-être tu ne refuserais pas de me secourir. » Et l’ami, avec un bon sourire, lui répondit : « Certes, tu es pour moi un ami très cher, et je n’oublie pas le service que tu m’as rendu ! Viens, je vais aller avec toi au tribunal, pour t’empêcher d’être livré à tes ennemis ! » Et Barlaam ajouta : « Le premier de ces amis est la possession des richesses, pour qui l’homme s’expose à mille dangers, et de qui, à l’heure de la mort, il ne tire aucun profit, si ce n’est des linceuls pour l’ensevelir. Le second ami, ce sont la femme, les fils, les parents, qui nous font un pas de conduite jusqu’à notre tombeau, et puis s’en retournent aussitôt à leurs affaires. Le troisième ami, c’est la foi, l’espérance, la charité et l’aumône, et toutes les bonnes œuvres, qui, lorsque nous mourons, nous accompagnent au tribunal de Dieu et nous délivrent de nos ennemis les démons. »

Barlaam dit encore ceci : « Dans une grande ville, on avait l’habitude d’élire pour prince, tous les ans, un homme étranger et inconnu, à qui on laissait plein pouvoir de faire ce qu’il voulait ; mais au bout de l’année, tandis que cet homme ne songeait qu’à sa jouissance, se croyant destiné à régner toujours, voilà que tous les citoyens s’insurgeaient contre lui, le traînaient nu par les rues de la ville, et le reléguaient dans une île déserte