Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/102

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de l’erreur de sa doctrine. Çakya-Mouni refoule alors tout orgueil humain et sa compassion envers la jeune fille, dont il évoque à lui-même et dont il révèle à ses antagonistes toutes les existences antérieures, acquiert une telle force que, dès qu’elle se déclare prête à toutes les promesses, ayant senti toute l’immense connexion de la souffrance du monde par sa propre souffrance, il l’accepte dans la communauté des saints, atteignant ainsi au dernier degré de purification. Il considère maintenant son existence libératrice, vouée à tous les êtres, comme achevée, puisqu’il a pu octroyer le salut aussi à la femme — directement.

Heureuse Savitri ! tu peux suivre le bien-aimé partout, maintenant ! tu peux être à côté de lui pour toujours ! Heureux Ananda ! elle est auprès de toi, à présent, la bien-aimée ; tu l’as gagnée à jamais !

Mon enfant, le sublime Bouddha avait raison en bannissant sévèrement l’art. Quel être sent plus que moi que c’est ce malheureux art qui me replonge éternellement dans les douleurs de la vie, dans toutes les contradictions de l’existence ? Si je ne possédais pas ce don merveilleux, cette forte prédominance de la fantaisie créatrice, je pourrais devenir saint, selon la clarté de la conscience, suivant l’impulsion du cœur et, en cette qualité, je viendrai te dire : « Abandonne tout ce qui te retient,

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