Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/117

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En revenant de la promenade vers les hauteurs, ton mari offrit le bras à Madame Wille. Je pouvais donc t’offrir le mien. Nous parlâmes de Calderon : comme il vint à propos ! À la maison, je me mis tout de suite au nouveau piano : je ne comprenais pas moi-même comment je jouais si bien… Ce fut une magnifique, une rassasiante journée… L’as-tu fêtée aujourd’hui ? Oh ! ce beau temps, il devait fleurir pour nous une fois ; il passa, — mais la fleur ne périt pas, son parfum persistera éternellement dans nos âmes. —

Aujourd’hui je reçus également une lettre de Liszt, qui me réjouit beaucoup,[1] de sorte que je suis dans une disposition d’esprit vraiment sereine. Et, avec cela, il fait beau temps ! — J’avais écrit à Liszt toutes sortes de choses pénibles : il le fallait bien, puisqu’il m’est si cher et que je lui dois donc la plus absolue sincérité. Il me répond maintenant avec une inébranlable tendresse. J’apprends par cette belle expérience que je n’ai point à regretter ma conviction de l’impossibilité d’une amitié parfaite, telle qu’elle se présente à nous comme idéal. En effet, cette impossibilité ne me rend nullement insensible ; mais, tout au contraire, d’autant plus reconnaissant et plein de sympathie pour ce qui, dans la réalité, se rapproche de cet idéal.

  1. Correspondance Wagner-Liszt, II, 211, 5.
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