Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/136

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figure intéressante, à n’en pas douter. L’homme aussi doit avoir été d’un commerce agréable et fort sympathique. Je comprends que Schiller ait aimé sa société ; pour moi également un tel homme serait précieux. Les esprits productifs ont besoin d’intimes relations avec de telles natures essentiellement réceptives, ne fût-ce que par besoin d’expansion. On se console facilement ensuite, en apprenant, au moment d’évaluer le résultat, que la certitude de se voir absolument compris n’était qu’illusion. En effet, Humboldt a peu saisi de la véritable nature des choses ; à ce point de vue il demeure en somme superficiel, ne dépasse pas le niveau moyen, et ses radotages, dignes d’un curé de campagne, sur le bon Dieu et la Providence doivent paraître assez étranges à l’ami intime de Schiller, au disciple de Kant. Je constatai bien vite que Humboldt était de ceux dont Jésus a dit : « Un chameau passerait plus aisément par le trou d’une aiguille qu’ils n’entreront dans le royaume des cieux ! » Ses affirmations d’indépendance de tous besoins, qui reviennent à tout instant, sont vraiment comiques : à deux domaines seigneuriaux acquis par succession, il en ajoute deux autres acquis par contrat de mariage, et l’État lui en donne un cinquième. Vigoureux et de bonne éducation, il épouse, jeune encore, une femme, qu’il peut aimer tendrement jusqu’à la mort : avec cela

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