Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/147

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de moi ce qui pourrait m’être cher. — Elle, mais elle a ses enfants !

Ah ! ce n’est point un reproche ! Rien qu’une plainte ; et je pense qu’elle me prend volontiers comme je suis, et entend mes plaintes. J’ai toujours mon art ! Vrai, il ne me rend pas joyeux, et rien que de l’effroi m’envahit, lorsque je détourne mes regards de mon travail vers le monde, auquel il lui faut bien appartenir, et qui ne peut se l’approprier qu’avec des mutilations affreuses !

Mais, je n’ose songer à cela, non plus qu’à beaucoup d’autres choses encore : je le sais. Aussi je suis décidé à n’y point songer, et je me dis à tout moment : « courage ! courage ! » Il le faut ! Cela doit marcher — et cela marchera ! —

Et puis elle m’assiste si gentiment ! Quelle divine lettre vous m’avez envoyée d’elle aujourd’hui ! La chère et belle créature, — puisse-t-elle se consoler ! Son ami lui est fidèle, ne vit que d’elle, ne reste debout que par elle ! —

Oui ! il faut que cela marche et — cela ira ! — Je m’imagine que Venise me viendra en aide, et je pense que le choix de cette ville est excellent. À vrai dire, je voulais écrire à Wille comment je me trouve ici ; mais vous devez, cette fois encore, accepter la présente pour vous-même : il m’a déjà fait l’inoui sacrifice d’une lettre, dans laquelle il me donnait précisément à entendre, que c’était un véritable sacrifice.

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