Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/163

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Souvent la nostalgie ramène ma pensée vers ma chère Sihlthal, vers les hauteurs de Kirchberg, où je vous voyais parader en voiture. Dès qu’il fera un peu plus chaud, et que je pourrai ménager une courte pause dans mon travail (car il constitue mon unique ressource !), je me propose d’aller en excursion à Vérone et ses environs. Là, c’est déjà la proximité des Alpes. J’éprouve une impression extraordinairement mélancolique en apercevant, par les temps clairs, du Jardin Public, la chaîne des Alpes tyroliennes au loin. Alors m’envahit souvent un désir ardent de ma jeunesse, qui m’attire vers les cimes, sur lesquelles les contes de fées édifient le resplendissant bourg royal, où habite la belle princesse. C’est le roc, sur lequel Siegfried découvre Brünnhilde endormie. Le grand espace plane, qui m’entoure ici, ne m’évoque que la seule résignation.

Mes rapports avec le monde moral ne sont pas brillants. Tout est tannant, dur et pauvre, comme il doit l’être. Comment se présente ma situation personnelle, Dieu le sait ! De Dresde[1] on m’impose l’étrange exigence d’aller là-bas, avec un sauf-conduit, afin de me présenter devant le tribunal pour que l’on instruise mon procès. Je puis être sûr de la grâce royale, même en cas de condamnation. Ceci serait fort beau pour

  1. Voir la revue Musik I — 1902/4 et observation à la lettre 60.
— 141 —