Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/169

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vous savez qu’il me faut renoncer au plus noble besoin de ma vie ; comment pourrais-je alors vouloir m’illusionner sur une disposition quelconque de ma destinée ? Rien que pour d’autres j’ai des désirs : si ces désirs sont impossibles à réaliser, il me faut alors y renoncer également. Car, après tout, le bonheur de chacun doit prendre sa source en soi-même : les remèdes sont des illusions.

Cela ne sonne-t-il pas avec bien de la gravité et bien mélancoliquement ? — Et cependant je vous le donne à titre de consolation. Je sais que vous aviez besoin de cette consolation, parce qu’il vous faut être tranquillisée à mon sujet. Et maintenant, nous voulons nous mesurer dans cette douce pratique : la consolation pour la consolation ! —

Je renonce à l’Allemagne, d’un cœur calme et froid ; je sais aussi qu’il le faut bien. Pour mon avenir je n’ai encore rien décidé, sauf l’achèvement de Tristan !

L’archiduc Max, sur ma demande, a tout de suite fait abroger les mesures d’exil prises contre moi.[1] Je veux tâcher de terminer l’esquisse du 3e acte. J’en ferai alors, plus tard, l’instrumentation en Suisse, probablement non loin de chez vous, à Lucerne, où je me suis

  1. Voir Glasenapp, II, 2, 208.
    Voir aussi la revue Musik I, 1902/04 (texte de la demande d’amnistie de Wagner).
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