Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/184

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une scène que je voyais se passer dans votre jardin (il présentait un aspect légèrement différent). Deux pigeons venaient d’au-delà des montagnes ; je les avais envoyés pour vous annoncer mon arrivée. Deux pigeons. Pourquoi deux ? Je l’ignore. Ils volaient, comme un couple, tout proche l’un de l’autre. Sitôt que vous les vîtes, vous vous élevâtes dans les airs, à leur rencontre, en agitant une grande couronne de lauriers au feuillage touffu ; avec celle-ci vous vous emparâtes des pigeons et les attirâtes vers vous, en balançant, d’un air provocateur, couronne et prisonniers. Tout à coup, comme le soleil apparaissant après l’orage, une lumière éclatante tomba sur vous ; elle me réveilla. — Vous pouvez en dire ce que vous voudrez : tel fut mon rêve, mais encore bien plus beau que je ne puis l’exprimer. Ma pauvre tête n’aurait pas pu inventer cela intentionnellement.

Pour le reste, je suis fatigué et, — probablement à cause du printemps subit, — très agité, avec de violentes palpitations de cœur et de forts afflux de sang. Comme je prenais votre violette, pour exprimer un souhait, la pauvre fleur tremblait entre mes doigts brûlants. Vite, j’exprimai le souhait : « sang tranquille, cœur en paix ! » Et maintenant je me fie à la violette ; elle a entendu mon souhait. — Aujourd’hui, je suis allé à la Brera et j’ai salué St  Antoine à votre intention. C’est une statue

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