Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/193

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C’est là que tu vas heureusement
Échapper à la mort, guérir de tes blessures ! »[1]

Cela sera des plus émouvants — d’autant plus que tout cela ne fait aucune impression sur Tristan, mais passe plutôt, comme un son creux.

C’est d’un tragique inouï ! Ça écrase tout !

68.

15 Avril.

Mon enfant. Il fait un temps exécrable. Le travail repose déjà depuis deux jours : le cerveau refuse obstinément son service. Que faire ? — Aujourd’hui j’ai pris le Tasse et lis rapidement. C’est un poème unique, et je ne connais vraiment rien qu’on puisse lui comparer. Comment Gœthe a-t-il pu écrire cela ? Qui est-ce qui a raison ici ? Qui a tort ? Chacun voit selon son être, et ne peut voir autrement. Ce qui présente l’apparence d’un moucheron à l’un, peut sembler un géant à l’autre. Finalement, ne gagne cependant notre cœur, que celui qui souffre le plus, et une voix nous dit aussi, qu’il possède le regard le plus pénétrant. Justement parce qu’il discerne dans chaque cas particulier tous les cas, le plus petit lui semble énorme, et sa douleur nous montre ce qu’il en est vraiment de chacun, lorsqu’on y réfléchit le plus profondément. Parce que cela a lieu

  1. Tristan : acte III, scène I.
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