Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/20

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monté sa détresse, il s’est consolé ; puis il a aimé ailleurs et trouvé finalement le bonheur domestique. Et Mathilde Wesendonk, de son côté, a continué de vivre, entre son mari et ses enfants, et rien ne nous permet de supposer qu’elle n’a pas, elle aussi, reconquis bientôt après la crise son équilibre intérieur. Ne nous y trompons pas cependant. Ce drame tout intérieur et silencieux que nul sauf un très petit nombre d’initiés n’a pu soupçonner au moment où il se déroulait, a fait fleurir dans le cœur de Wagner quelques uns des sentiments les plus intenses et les plus sublimes peut-être dont l’âme humaine soit capable. Il a réellement éprouvé dans ces heures sombres les affres de la passion et la purifiante douleur de renoncement, il a vécu la « détresse d’amour » et la mort du vouloir vivre égoïste qu’il a si magnifiquement fait chanter dans Tristan. Ces lettres où s’exhalent les émotions puissantes qui secouaient jusque dans ses fibres les plus intimes son cœur de Titan nous révèlent la source vivante et profonde d’où jaillit la musique si pénétrante de son grand drame d’amour et de mort. Nulle part peut-être Wagner ne nous apparaît si humainement grand que dans les pages frémissantes où palpite et saigne la blessure secrète qui l’atteignait en plein cœur.

Wagner souhaitait, nous dit-on, que ces pages intimes fussent détruites. Soyons recon-

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