Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/227

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et ils rapprochèrent la relique du mythe chrétien, ce qui leur fut facilité par une ancienne légende répandue dans la France méridionale, d’après laquelle Joseph d’Arimathie s’était enfui là-bas, emportant le sacré calice de la Cène, légende en concordance absolue avec l’enthousiasme pour les reliques des premiers âges de la Chrétienté. Dès lors la légende obtint une signification et j’admire réellement ce beau trait de la mythologie chrétienne, qui inventa le symbole le plus profond existant de l’essence sensuelle-intellectuelle d’une religion. Qui est-ce qui n’est pas envahi des sentiments les plus sublimes, les plus intenses en apprenant que ce calice, dans lequel le Sauveur a bu, quand il fit ses adieux à ses disciples, et dans lequel finalement fut recueilli et conservé son sang éternel, existait et que celui auquel il était destiné, le pur, pouvait le voir et l’adorer ! C’est d’une beauté incomparable ! Et puis la double signification de ce réceptacle, comme calice de la Sainte Cène, — assurément le plus magnifique sacrement du culte chrétien ! De là la légende que le Graal (sang réal) (d’où San(ct) Graal) alimentait uniquement la pieuse chevalerie, fournissait nourriture et boisson aux heures des repas. Tout cela si totalement incompris de notre poëte, qui puisait son sujet uniquement dans les mauvais romans de chevalerie français, et les imitait comme un étourneau ! Tirez-en des conclusions pour le

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