Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/241

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d’une promenade, un parfum de roses pénétra jusqu’à moi : à côté de mon chemin se trouvait un petit jardin, où les roses étaient en plein épanouissement. Cela me rappela mon ultime jouissance du jardin de « l’Asile » : jamais je ne me suis occupé de roses comme alors. Je m’en cueillais une chaque matin et la déposais dans un verre sur ma table de travail : je savais que je faisais mes adieux au jardin. Ce parfum s’est entièrement amalgamé avec ces sensations : chaleur, soleil d’été, parfum de roses et — adieux. Ainsi j’esquissai alors la musique de mon 2e acte.

Ce qui alors m’entourait réellement, avec une véritable sensation d’ivresse, revit à présent comme en un rêve. Été, soleil, parfums de roses et — adieux ! Mais l’angoisse, l’oppression sont absentes : tout s’est clarifié. Voilà l’état d’âme dans lequel j’espère achever mon 3e acte. Rien ne peut m’attrister vraiment, rien ne me peut bouleverser : mon existence n’est nullement liée au temps ni à l’espace. Je sais que je vivrai aussi longtemps que j’ai à créer encore ; donc je ne me soucie point de la vie, mais je crée. Et lorsque ma vie touchera à sa fin, je me saurai alors à l’abri. Ainsi je suis vraiment gai. Puissiez-vous l’être aussi !

À bientôt de vos nouvelles ?

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