Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/83

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euse, timide et hésitante, se jetait avec un courage sublime dans l’océan des souffrances et des maux pour me procurer ce moment splendide, pour me dire « Je t’aime !… » Ainsi tu te vouas à la mort, afin de me donner la vie ; ainsi je reçus ta vie, afin de quitter le monde avec toi, souffrir avec toi, mourir avec toi. — Alors le sortilège de l’inapaisé désir fut annihilé ! Et tu sais aussi que plus jamais depuis je n’ai été en désaccord avec moi-même. Le trouble et l’angoisse ont pu s’emparer de nous, même tu as pu être emportée par l’illusion de la passion : mais moi, tu le sais, je suis toujours resté le même et mon amour pour toi ne pouvait plus, depuis ce moment terrible, perdre son parfum, perdre ne fût-ce qu’un atome de ce parfum. Toute amertume s’était en allée ; j’ai pu errer, devenir la proie de la douleur, mais pour toujours je savais clairement que jamais cette lumière ne s’éteindrait, que ton amour était mon bien suprême et que sans lui mon existence serait une contradiction.

Merci, mon bel ange plein d’amour ! —

23 Septembre.

La tasse et le service sont bien arrivés. C’est encore une fois le premier signe amical du dehors. Que dis-je « du dehors » ? Comment appliquer ce mot à des choses qui me viennent de toi ? Et cependant cela vient de loin, de ce

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