Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus d’inquiétude et plus d’effort pour retrouver son mélodieux ramage : en vain, il n’y arrive plus ! Il ne pouvait plus chanter. Je n’avais jamais observé, mais seulement entendu dire, que les oiseaux chanteurs deviennent muets vers la fin de l’été et ne reprennent leur chanson qu’à l’approche du printemps. Mais je croyais que c’était une affaire finie pour eux vers ce temps-là, qu’ils n’en éprouvaient plus le besoin et qu’ils l’oubliaient donc ! J’apprenais là qu’il en est autrement : mon petit mâle semblait tout étonné d’avoir perdu la mélodie, et de ne pouvoir la recouvrer, malgré tous les efforts. Cela m’a extraordinairement intéressé, saisi. Cette aliénation de l’être le plus intime, ce refus de la force mélodique ! À qui appartient-elle ? À l’oiseau ? — ou bien qui donc la lui prête seulement ? Il est certain que seul un état extatique lui rend la mélodie possible : cet état lui devient tellement habituel dans la saison voulue que, l’autre saison venue, il est tout effrayé aussitôt de voir que le charme l’a soudain abandonné. À la fin, il s’y habitue : quelque chose en lui-même lui dit, qu’au printemps il pourra de nouveau chanter !… Je vous écrivis beaucoup de choses là-dessus. Le gazouillement et le pépiement plaintifs durèrent encore longtemps. — À présent une autre lettre !… Figurez-vous qu’un matin, la petite femelle recommence à gazouiller, et parvient vraiment à retrouver tout son ramage,