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tout entier en vous ! Tel est mon souhait, mon présent !

R. W.



114.

Mardi gras [12 Février 1861].

Le Mardi gras, à la fin, me donne encore une matinée tranquille pour que je puisse, amie, vous parler un peu de moi.

Quand je n’ai rien en tête que les cent détails nécessités par mon entreprise actuelle, il n’y a pas de bon sens, dirai-je, à vous parler de moi. Ce qu’il y a toujours eu, justement, de plus beau dans nos rapports, c’est que seule la véritable essence de nos actes et de nos pensées, sous une forme purifiée, nous semblait digne d’attention, et que nous nous sentions en quelque sorte émancipés de la vie proprement dite, sitôt que nous nous rencontrions. Quand je me débarrasse la tête de tout le fatras pour la conserver libre à votre intention, il va de soi que seul le meilleur doit rester, et qu’il ne peut plus être question d’aucune peine ; en revanche, une vague mélancolie enveloppe l’âme, une mélancolie qui nous montre tout le reste sous le jour convenable du néant, car rien n’a de véritable valeur pour celui qui sent combien de sacrifices il a toujours à faire, s’il veut donner une signification à l’apparence de la réalité…

Ce qui me console des nombreuses peines