Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/256

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beaux moments, qui ressemblent au « bon » dangereux, décrit par vous si merveilleusement, et qui vous tombent en partage plus fréquemment qu’à tout autre. Je sais cela, et j’en suis affligée du plus profond de mon âme ; je n’ai aucune parole de consolation banale, parce que je n’entrevois pas l’espérance qu’il puisse en être jamais autrement. Je n’ai pas besoin de vous dire combien je souffre en vous voyant courir par le monde pour donner des concerts. Et même si le ciel retentissait des applaudissements de la foule, ce ne serait pas une compensation adéquate à votre sacrifice. Le cœur saignant, je suis vos soi-disant « triomphes », et j’en arrive à être presque amère, quand on veut me les représenter comme des événements heureux. Je sens alors combien peu on vous connaît, c’est-à-dire combien peu on vous comprend, et que moi — je vous connais et vous aime ! Le pouvoir d’un seul être représente bien peu de chose en regard de l’Hydre aux mille têtes qui s’appelle le Monde ! On lui donnerait tout le sang de son cœur, sans lui arracher le moindre amour. Il en est ainsi et il en a été ainsi dès avant nous !

Le portefeuille et la lampe ne doivent pas être une charge pour « l’Asile » ; ils deviendront « voyageurs » comme vous, si vous le quittez un jour. Est-ce que la difficulté de se défaire de cet « Asile » serait donc tellement grande, au cas