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Sand ne suivait pas moins son instinct, lui qui, aux preuves évidentes de l’innocuité politique de Kotzebue, ne pouvait rien opposer, sinon qu’il était le corrupteur de la jeunesse allemande, qu’il était traître envers le peuple allemand. Les tribunaux se cassèrent la tête : il devait y avoir là une terrible conspiration ; l’assassinat du conseiller d’État n’en était sans doute que le prélude ; la perte des souverains et de tout l’État était conjurée. On ne put rien tirer du jeune meurtrier, si ce n’est qu’il se glorifiait de son action, qu’il était prêt à la commettre encore à chaque instant, qu’il remerciait Dieu de l’avoir éclairé et de le conduire maintenant, tranquille et confiant, au devant d’une mort juste et expiatoire. Et il en resta là, sans chanceler un seul instant, pendant une détention de quatorze mois, déchiré par des plaies en suppuration, étendu misérablement sur son lit de douleur. — Un juif spirituel, Bœrne, fut le premier à se moquer de cet acte ; autant qu’il nous souvienne, Heine ne s’est pas fait faute non plus de plaisanteries à ce sujet. On ne sait pas clairement ce que la nation ressentit ; il est certain seulement que le théâtre allemand appartint dès lors aux héritiers de l’esprit de Kotzebue. Le moment est venu de l’examiner sérieusement d’un peu plus près encore.

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La direction que prit désormais le théâtre allemand, sous l’empire de la réaction, ne pouvait guère être maintenue dans toute sa tendance corruptrice sans une influence immédiate et déterminée de la part du