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UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS

anéantissement par une horrible gamme exécutée sur le cornet, dont les sons sortant du fond de l’hôtel percèrent mon oreille et provoquèrent dans la cour des hurlements douloureux. Alors, j’éclatai de rire, et m’en retournai. »

Profondément ému, mon pauvre ami s’arrêta. Si la parole lui était devenue plus facile, l’exaltation intérieure ne lui causait pas moins une affreuse fatigue. Il ne lui était plus possible de se tenir assis. Il retomba avec un faible gémissement. Une longue pause suivit. J’observai ce malheureux avec une émotion pénible. Ses joues avaient revêtu cette teinte rouge transparente particulière aux phtisiques. Il avait fermé les yeux, et restait là comme endormi. Sa respiration ne se trahissait que par un mouvement peu sensible et presque éthéré. J’attendais avec anxiété le moment où je pourrais lui parler pour lui demander à quoi je pourrais encore lui être bon en ce monde. Enfin, il ouvrit les yeux. Un éclat glauque et surnaturel animait son regard qu’il tourna sans hésiter vers moi.

— Mon pauvre ami, lui dis-je, tu me vois plein d’un désir douloureux de te servir en quelque chose. As-tu quelque vœu à faire ? dis-le moi.

Il répondit en souriant : — Tu es bien impatient, ami, de connaître mon testament. Oh ! sois sans inquiétude, je ne t’y ai pas oublié. Mais ne veux-tu donc pas apprendre auparavant comment ton malheureux frère en est venu