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LE FREISCHÜTZ

paraissait devenir de jour en jour plus hostile à notre jeune homme. Jusque-là il avait été le plus heureux et le plus adroit chasseur ; maintenant il lui arrivait souvent de courir les bois des jours entiers, sans pouvoir rapporter à la maison le moindre trophée en témoignage de ses exploits. La pitié qu’il éprouvait pour les hôtes innocents des forêts lui avait-elle gâté l’œil ou la main ? Mais alors pourquoi le coup portait-il à faux, quand il visait un de ces brigands des airs pour lesquels, certes, il était bien éloigné d’éprouver la moindre sympathie ? Pourquoi ne logeait-il plus la balle dans le noir, quand on tirait à la cible ? Pourquoi manquait-il le but, quand il cherchait à calmer les inquiétudes de sa prétendue par un coup heureux ? Le vieux forestier secouait la tête ; les anxiétés de la jeune fille croissaient de jour en jour ; notre chas seur errait dans les profondeurs des bois, se livrant à de sombres pensées. Il méditait à part lui sur ses malheurs, il cherchait à en approfondir les causes. Souvent, dans le fond de son âme, il entendait de nouveau le bruit des sapins, les affreux croassements, comme au jour où un hasard funeste l’avait conduit à la Vallée aux Loups. Il se croyait sous l’obsession de quelque puissance démoniaque jalouse de son bonheur et acharnée à sa perte. En même temps lui revenait à la mémoire tout ce qu’on lui avait raconté au sujet de cette apparition nocturne