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XII
AVANT-PROPOS

— chose étrange ! — s’épanouir dans son âme les fleurs de l’Idéal. Au Grand Opéra qui, par aventure, avait pu échapper aux fortes et terribles étreintes de la Routine, il avait assisté à d’excellentes et lumineuses représentations du Freischütz[1]. Indépendamment de cela, il avait entendu, « sous l’admirable direction d’Habeneck, au Conservatoire, des exécutions réellement parfaites des symphonies de Beethoven »[2], de la Symphonie avec chœurs, principalement[3], exécutions qui le transportèrent et l’initièrent « aux merveilleux mystères de l’art véritable »[4]. Ces auditions furent, pour lui, fécondes en enseignements. Weber et Beethoven lui apprirent à dédaigner l’opéra italien ainsi que l’opéra français et à se laisser guider à la gloire par la nouvelle et brillante étoile qu’il venait d’apercevoir dans le ciel, du côté de l’Allemagne. À l’avenir, il ne pouvait plus s’écarter de sa route. Il avait longuement réfléchi sur son art : ses idées étaient claires, distinctes, bien déterminées, bien ordonnées ; le Drame-Musical-Poétique-et-Plastique, pour employer la juste et précise expression de M. Louis-Pilate de Brinn’Gaubast, était déjà ébauché dans son cerveau. Les articles de la Gazette musicale sont les premières manifestations d’un naissant génie conscient de ses forces.

En résumé, une personnalité énergique, hardie, originale éclate dans ces écrits. Ils dénotent un jeune héros qui a rêvé sur la destinée de l’Art, qui aspire à s’affranchir du joug de la tradition, et songe à un brillant et glorieux avenir. Ils sont prophétiques. Ils sont comme l’em-

  1. La première représentation du Freischütz, à l’Académie royale de musique, eut lieu le 7 juin 1841.
  2. L’Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 42.
  3. La Neuvième symphonie fut exécutée au Conservatoire le 8 mars 1840, le 2 mars 1841 et le 9 janvier 1842.
  4. Souvenirs, p. 39.