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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

plus haut, eût suffi pour donner à la Juive une haute importance aux yeux du musicien allemand. Car ce furent précisément les qualités inhérentes à la manière d’Auber, qualités souvent brillantes, mais qui, dans tous les cas, sont restreintes à une sphère très étroite, qui détournèrent les Allemands de l’imitation de ce compositeur. Le style d’Halévy qui se meut avec plus de liberté, l’énergie passionnée qui se révèle dans sa musique, lui donnent une puissante influence sur les facultés musicales des Allemands. Par cette action sympathique, elle leur a montré comment ils pourront paraître de nouveau dans le domaine du drame musical, — qu’ils semblaient avoir abandonné complètement, — sans renoncer à leur individualité, sans choquer le génie national, et en effacer le caractère par l’imitation d’un faire étranger. Les choses mûrissent lentement en Allemagne, et la mode y exerce peu d’influence sur les productions de l’art. Toutefois, dans plus d’un ouvrage publié récemment, on reconnaît déjà clairement qu’une époque nouvelle s’annonce pour la musique dramatique de nos voisins. Quand le temps sera venu, nous montrerons jusqu’à quel point l’influence exercée par Halévy y aura contribué. Nous nous bornerons à faire observer pour le moment que cette influence sera plus sensible que celle-là même qui part des coryphées modernes de l’école allemande actuelle, parmi lesquels Mendelssohn-Bartholdy est sans contredit le