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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

la douleur, et c’est là qu’il se montre artiste dans l’acception la plus complète du mot. Si les auditeurs font défaut, il y a là un piano ou quelques autres instruments pour recevoir ses confidences. On exécute un quatuor, un trio ou une sonate, suivant le nombre des assistants, ou bien on chante à quatre voix un Lied national. Survient-il quelqu’un, c’est un auxiliaire de plus, et l’on attaque alors une symphonie. Et c’est ainsi que le foyer domestique en Allemagne est le trépied permanent de la musique instrumentale. Mais il est évident que de pareils exercices ne sauraient être dignement appréciés que dans un cercle restreint d’amis, et non par le public en masse. Il faut être pénétré soi-même d’une rêverie douce et sévère pour éprouver ces ravissements profonds et sublimes dont cet art récompense ses prosélytes ; et cela n’adviendra jamais qu’à un musicien d’élite, et non aux oisifs du grand monde sans cesse affamés de jouissances factices ; car tous ces détails merveilleux et spirituels qu’admire un auditeur moins futile, passent inaperçus aux yeux du vulgaire, qui dédaigne, comme prétentieuses ou insignifiantes, des choses qui dérivent cependant des sources les plus pures de l’art.

Nous tâcherons une autre fois de démontrer comment tous les genres de musique en Allemagne reposent sur la même base.