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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

que dans le moral et les sentiments de la nation.

C’est donc l’instinct populaire qui a été le créateur, en Allemagne, de la musique religieuse. La musique dramatique n’y a jamais provoqué des besoins du même genre. L’opéra, dès son origine sur les scènes d’Italie, avait déjà pris des allures si pompeuses et si mondaines, que cette forme de l’art ainsi dirigée ne pouvait plus devenir un motif de puissante attraction pour l’Allemand, pensif et sentimental. Avec le cortège de ses ballets et de ses décorations, ce spectacle grandiose paraissait exclusivement dévolu aux plaisirs des grands et des princes ; prévision confirmée par l’événement, du moins durant les premiers temps de son introduction en Allemagne. L’effet des démarcations aristocratiques devait donc exclure le drame lyrique des divertissements populaires ; aussi, pendant toute la durée du siècle dernier pour ainsi dire, l’opéra ne fut considéré en Allemagne que comme une importation étrangère. Chaque cour avait sa troupe de chanteurs italiens qui n’exécutaient que de la musique italienne, et l’on n’imaginait pas même qu’un opéra pût être écrit et chanté autrement qu’en italien. Ainsi, le compositeur allemand à qui il prenait fantaisie de faire un opéra, devait commencer par apprendre la langue, et puis se rendre familières la méthode et la facture italiennes, et il n’avait la chance de se faire accueillir qu’autant qu’il avait abjuré abso-