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UNE VISITE À BEETHOVEN

non moins exagéré, était étendu sur les coussins, et prêtait à nos accords une oreille attentive ; puis il tira de sa poche un agenda pour y consigner quelques notes, et après avoir jeté devant nous une pièce d’or, il continua sa route en adressant à son domestique quelques mots d’anglais.

Cet événement nous interloqua un peu ; heureusement que le septuor était fini. J’embrassai mes nouveaux amis, et je me disposai à faire route avec eux ; mais ils me dirent qu’ils allaient prendre les chemins de traverse pour se rendre à leur village natal. Je les aurais certainement suivis, si mon voyage n’avait pas eu un but aussi solennel. Enfin, nous nous séparâmes avec une émotion réciproque. Plus tard je me rappelai que personne n’avait ramassé la pièce d’or du voyageur anglais.

Dans la première auberge où j’entrai pour manger un morceau, je trouvai mon gentleman attablé devant un copieux dîner. Il m’examina longtemps avec curiosité, et m’adressant enfin la parole en mauvais allemand, il me demanda ce qu’étaient devenus mes camarades. — Ils sont retournés chez eux, lui dis-je. — Eh bien ! prenez votre violon, me dit-il, et jouez-moi quelque chose ; voici de l’argent. Blessé de cette injonction, je lui répondis que je n’étais pas un artiste mercenaire, et que d’ailleurs je n’avais pas de violon ; et enfin je lui fis le récit de ma rencontre avec ces musiciens. — Des musiciens excellents !