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ERDA, en étendant la main vers WOTAN, d’un air prophétique.

Cède, ô Wotan, résigne-toi ! fuis la Malédiction de l’Anneau ! sa possession te vouerait, inéluctablement, à la plus noire des catastrophes.

WOTAN

Femme ou sibylle, qui donc es-tu ?

ERDA

Tout ce qui fut m’est connu ; tout ce qui devient, je le vois ; tout ce qui sera, je le prévois : l’Ur-Wala[1], c’est moi,

  1. C’est-à-dire « l’Originelle-Wala ». Vola ou Vala était le nom réservé, chez les Scandinaves, à des prophétesses qu’on appelait, en telles circonstances, pour prédire l’avenir. En traduisant par « l’âme antique » (de l’impérissable univers), je ne fais que développer logiquement, dramatiquement, le sens intégral, le sens le plus compréhensif, tel que le révèlent et la musique et l’ensemble du rôle d’Erda, dans le Rheingold et dans Siegfried, sans oublier les allusions qu’y fait Wotan, dans la Walküre. Dans tous les cas, quelque respect que je professe pour M. Schuré, je ne puis me rallier à sa version : « Celle-qui-choisit-originairement. » Personnification de la Terre, âme passive autant qu’omnisciente de la Nature, antérieure aux dieux comme à l’homme, survivant aux dieux comme à l’homme, dont le Désir ou la Volonté suivie d’effort parviennent à la dompter parfois, et parfois à la pénétrer, – Erda, en aucun vers de la Tétralogie, n’est « Celle-qui-choisit-originairement », – Il convient de rappeler que, dans l’Edda, c’est une « Vola » aussi qui, par la Völuspa, cette Apocalyse du Nord, raconte ou plutôt suggère en des vers, tour à tous obscurs, bizarres et sublimes, sa vision terrible et confuse des destinées, et notamment de la Fin des Dieux.