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l’âme antique de l’impérissable univers, Erda enfin, qui somme ton âme. J’ai trois filles, dès l’éternité conçues dans mon sein, les Trois Nornes : ce sont elles qui te révèlent, dans les ténèbres[1], mes visions. Mais, cette fois, quelque immense péril me précipite moi-même vers toi : écoule ! écoute ! écoute ! Tout ce qui est, doit finir. Sombre jour pour les Dieux !

  1. C’est en effet la nuit que Wagner (Prologue du Crépuscule-des-Dieux) nous mettra devant les yeux les Nornes. – Traducteur, il m’importe de placer ici une observation d’ordre général. Le texte porte bien : « révèlent » (littéralement : « disent ») ; mais, critiquant ci-dessus une interprétation de M. Édouard Dujardin, j’ai eu l’occasion d’expliquer comment le présent a, chez Wagner, assez souvent le sens du futur (transposition nécessitée par le caractère analytique du futur allemand, lequel, alourdi d’un auxiliaire, se prête mal, en raison de cet élément logique, aux synthèses tout émotionnelles de la mélodie concordante ; transposition qu’autorisaient, non seulement l’esprit et l’exemple des vieux textes nationaux, mais, puisque Wagner recherchait la « conversation idéale », – l’emploi de cette forme, simplifiée, dans la conversation moderne). Aussi une traduction qui, n’étant pas totale, n’aurait pas à tenir compte des réactions constantes, réciproques, de toutes les parties des quatre Drames, pourrait-elle rendre mon « révèlent » par le temps futur : « révéleront » (« diront »). C’est l’une des critiques que je prévois, comme j’en aurai prévu bien d’autres ; mais, d’avance, je ne l’accepte point : le présent n’est-il pas éternel pour celle qui vient de déclarer : « Tout ce qui fut m’est connu ; tout ce qui devient, je le vois ; tout ce qui sera, je le prévois » ? — Plusieurs fois, dans le cours des Drames, j’ai ainsi modifié, wagnériennement toujours, la stricte concordance des temps : ces modifications, je ne les signalerai plus. J’annonce seulement que c’est par des réflexions de ce genre que sera déterminé, plus loin, l’emploi des temps du verbe dans la scène des Nornes (Prologue du Crépuscule-des-Dieux).