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ARTICLE II.

DES ENCRES, DES COULEURS, DES LETTRES ORNÉES ET DES PEINTURES.

L’encre noire est celle qu’on employait le plus généralement dans les manuscrits, et surtout dans les diplômes. En thèse générale, la teinte de l’encre doit pâlir avec le temps ; mais on tomberait dans de fréquentes méprises si l’on s’attachait à cette circonstance comme à une preuve décisive. Il y a des titres fort récents, où l’encre a pris une teinte pâle et jaunâtre ; tandis qu’elle conserve toute sa vivacité dans des actes très-anciens. Souvent même ces différences de teinte se rencontrent dans le corps d’un même acte et dans un même mot. Cela tient à ce que la plume de l’écrivain, n’étant pas toujours également chargée d’encre, déposait des couches de matière colorante d’une épaisseur inégale, et sur lesquelles l’action de l’air, de l’humidité et de la lumière devait être plus ou moins sensible. Les différences de teinte dans les écritures qui n’ont pas été tracées par la même main s’expliquent surtout par la différence dans la qualité des encres, et quelquefois aussi par des circonstances accidentelles qui ont pu multiplier, pour certains actes, les causes d’altération.

Nous avons dit que l’encre noire était employée plus généralement encore dans les diplômes que dans les manuscrits. En effet, l’on trouve à peine quelques chartes qui soient écrites en encre de couleur. Il existe à Orléans une charte de Philippe Ier, en encre verte ; mais la croix qui servait de signature au roi est tracée en noir. On sait que les empereurs grecs avaient coutume de signer en rouge des diplômes dont le texte était d’ailleurs écrit en encre noire : Charles le Chauve, à leur exemple, a donné quelques signatures en cinabre. On rencontre aussi des actes dont les lettres initiales sont rouges, vertes ou bleues. Parmi les diplômes remarquables par des lettres à ornements, on peut citer les deux exemplaires de l’ordonnance de i3y4 sur la majorité des rois de France. Ces deux actes, qui font partie du Trésor des chartes, sont admirablement conservés. La première ligne est tout entière en lettres ornées et coloriées avec autant de recherche que d’élégance. Enfin on trouve aussi en Italie, en Allemagne et en Angleterre, des diplômes en lettres d’or ; mais, à part ces exceptions peu nombreuses, on peut regarder les encres métalliques et les encres de couleur comme étrangères aux diplômes. On les prodiguait au contraire avec une telle magnificence dans les manuscrits, qu’il n’est pas extraordinaire de voir une lettre occuper une page entière. Ce travail