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anciens, qui eût été poète quand même on l’eût abandonné petit enfant, seul et nu dans une lie déserte. » (Théodore de Banville.)



LES BOHÉMIENS


Vous dont les rêves sont les miens,
Vers quelle terre plus clémente,
Par la pluie et par la tourmente,
Marchez-vous, doux Bohémiens ?

Hélas ! dans vos froides prunelles
Où donc le rayon de soleil ?
Qui vous chantera le réveil
Des espérances éternelles ?

Le pas grave, le front courbé,
A travers la grande nature
Allez, ô rois de l’aventure !
Votre diadème est tombé !

Pour vous, jusqu’à la source claire
Que Juillet tarira demain,
Jusqu’à la mousse du chemin,
Tout se montre plein de colère.

On ne voit plus sur les coteaux,
Au milieu des vignes fleuries,
Se dérouler les draperies
Lumineuses de vos manteaux !

L’ennui profond, l’ennui sans bornes,
Vous guide, ô mes frères errants !
Et les cieux les plus transparents
Semblent sur vous devenir mornes.

Quelquefois, par les tendres soirs,
Lorsque la nuit paisible tombe,
Vous voyez sortir de la tombe
Les spectres vains de vos espoirs.

Et la Bohême poétique,
Par qui nous nous émerveillons,
Avec ses radieux haillons
Surgit, vivante et fantastique.