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Le vent frémit sans cesse à travers leurs branchages.
Et prolonge en glissant sur leurs cheveu* froissés.
Pareil au bruit lointain de la mer sur les plages.
Un chant grave et houleux dans les taillis bercés.
Des profondeurs du bois, des rampes sur la plaine,
Du matin jusqu’au soir, sans relâche, on entend
Sous la ramure frêle une sonore haleine
Qui nait, accourt, s’emplit, se déroule et s’étend
Sourde ou retentissante, et d’arcade en arcade
Va se perdre aux confins noyés de brouillards froids,
Comme le bruit lointain de la mer dans la rade
S’allonge sous les nuits pleine de longs effrois.
Et derrière les fûts pointant leurs grêles branches
Au rebord delà gorge où pendent les mouffins,
Par place, on aperçoit, semés de taches blanches,
Sous les nappes de feu qui pétillent en bas,
Les champs jaunes et verts descendus aux rivages,
Puis l’Océan qui brille et monte vers le ciel.
Nulle rumeur humaine à ces hauteurs sauvages
N’arrive. Et ce soupir, ce murmure immortel,
Pareil au bruit lointain de la mer sur les côtes,
Epand seul le respect et l’horreur à la fois
Dans l’air religieux des solitudes hautes.
C’est ton âme qui souffre, ô forêt ! C’est ta voix
Qui gémit sans repos dans ces mornes savanes.
Et dans l’effarement de ton propre secret,
Exhalant ton arôme aux éthers diaphanes,
Sur l’homme, ou sur l’enfant vierge encor de regret,
Sur tous ses vils soucis, sur ses gaités naïves,
Tu fais chanter ton rêve, ô bois ! Et sur son front,
Pareil au bruit lointain de la mer sur les rives,
Plane ton froissement solennel et profond.
Bien des jours sont passés et perdus dans l’abîme
Où tombent tour à tour désir, joie et sanglot ;
Bien des foyers éteints qu’aucun vent ne ranime
Gisent ensevelis dans nos cœurs, sous le flot
Sans pitié ni reflux de la cendre fatale,
Depuis qu’au vol joyeux de mes espoirs j’errais,
O bois éolien ! sous ta voûte natale,
Seul, écoutant venir de tes obscurs retraits,
Pareille au bruit lointain de la mer sur les grèves,