Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t1.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il ne m’appartient pas de voir le ciel en face,
La profondeur du ciel est un regard de Dieu,

Non de ce Dieu vivant qui parle dans la Bible,
Mais d’un Dieu qui jamais n’a frappé ni béni,
Et dont la majesté dédaigneuse et paisible
Écrase en souriant l’homme pauvre et fini.

Garde au faîte sacré ta solitude altière,
O Maître indifférent dans la force endormi ;
Moi, je suis homme, il faut que je souffre et j’espère ;
J’ai besoin de pleurer sur le front d’un ami.

A moi l’ombre des bois où le rayon scintille,
A toi du jour d’en haut l’immense égalité ;
A moi le nid bruyant de ma douce famille,
A toi l’exil jaloux dans ta froide unité.

Tu peux être éternel, il est bon que je meure,
L’évanouissement est frère de l’amour ;
J’ai laissé quelque part mes dieux et ma demeure,
Le charme de la mort est celui du retour.

Mais ce n’est pas vers toi que la mort nous ramène ;
Tes puissants bras sont faits pour ceindre l’univers ;
Ils sont trop étendus pour une étreinte humaine,
Nul n’a senti ton cœur battre en tes flancs déserts.

Non, le paradis vrai ressemble à la patrie :
Mon père en m’embrassant m’y viendra recevoir.
J’y foulerai la terre, et ma maison chérie
Réunira tous ceux qui m’ont dit : « Au revoir. »

En moi je sentirai les passions renaître
Et la chaude amitié qui ne trahit jamais,
Et tu m’y souriras la première peut-être,
O toi qui sans m’aimer as su que je t’aimais.

Mais je n’y veux pas voir la nature amollie
Par la tiède fadeur d’un éternel printemps ;
J’y veux trouver l’automne et sa mélancolie,
Et l’hiver solennel, et les étés ardents.