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Je ne sais ; mais pourtant cette action fut faite.
Le moine, d’une main s’appuyant sur le faîte
De l’autel et tachant de nous bénir encor
De l’autre, souleva le lourd ostensoir d’or.
Pour la troisième fois il traça dans l’espace
Le signe du pardon, et d’une voix très basse,
Mais qu’on entendit bien, car tous bruits s’étaient tus,
Il dit, les yeux fermés :

« Et Spiritus Sanctus, »

Puis tomba mort, ayant achevé sa prière.

L’ostensoir rebondit par trois fois sur la pierre.
Et, comme nous restions, même les vieux troupiers,
Sombres, l’horreur vivante au cœur et l’arme aux pieds,
Devant ce meurtre infâme et devant ce martyre :

« Amen ! » dit un soldat en éclatant de rire.


(Poèmes modernes.)


L’HIRONDELLE DU BOUDDHA


Quand son enseignement eut consolé le monde,
Le Bouddha, retiré dans la djongle profonde
Et du seul Nirvâna désormais soucieux,
S’assit pour méditer, les bras levés aux cieux ;
Et, gardant pour toujours cette sainte attitude,
Il vécut dans l’extase et dans la solitude,
Concentrant son esprit sur un rêve sans fin,
Avant d’être absorbé par le Néant divin.
Le temps avait rendu tout maigre et tout débile
Le corps ossifié de l’ascète immobile ;
Les lianes grimpaient sur son torse engourdi
Que ne réchauffait plus le soleil de midi ;
Et ses yeux sans regard, dans leurs mornes paupières,
Semblaient avoir acquis la dureté des pierres.
Il aurait dû mourir, par la faim consumé ;
Mais les petits oiseaux, dont il était aimé,
Les oiseaux qui chantaient dans les branches fleuries,
Venaient poser des fruits sur ses lèvres flétries.
Et, depuis très longtemps, c’est ainsi que vivait