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que ces fonctions ne furent pas une sinécure, et qu’entre autres profits qu’elles valurent à France, il faut compter quelques inimitiés littéraires… Les Noces corinthiennes parurent dans le Parnasse de 1876… Elles montrent une étape accomplie dans la vie littéraire de France. Dès lors, devant le prosateur qui s’affirme de plus en plus, le « poète » s’efface, puisque, par un étrange abus, nous réservons l’expression de poète uniquement à l’ouvrier en vers… >

« La même année, ajoute M. de Ricard, Les Noces corinthiennes furent publiées en volume… Le sujet — antique — est d’une actualité éternelle : c’est une lutte d’âmes déchirées de luttes religieuses sur un fond de crépuscule où l’on voit monter, dans le beau soleil païen qui se décolore, la livide ascension du grand Crucifié. Mais le dessein du poète est trop élevé pour qu’on puisse craindre que sa partialité intervienne pour fausser les termes de la lutte : ce drame poignant est une étude sincère : « Je touche en ce livre, — a écrit France dans la courte préface dont il a fait précéder le poème, — je touche en ce livre à des choses grandes et délicates, aux choses religieuses. J’ai refait le rêve des âges de foi. Je me suis donné l’illusion des vives croyances. C’eût été trop manquer du sens de l’harmonie que de traiter sans piété ce qui est pieux… »

On sait que M. Anatole France s’est occupé pendant quelques années de critique au journal le Temps, où il a publié des chroniques littéraires qui ont été réunies en partie en plusieurs volumes sous le titre de La Vie littéraire. « Il s’attachait moins, dit M. Emile Faguet, à juger les livres conformément à certaines idées directrices, et moins, même, à en rendre compte, qu’à analyser avec finesse et à décrire avec précision et bonne grâce l’impression qu’il en ressentait. » Il y fit de la critique nettement « impressionniste ». « C’est qu’en effet, en disciple de Renan, et, puisqu’il y en a eu plusieurs, surtout du Renan dernière manière, M. Anatole France posait en principe que la critique « impersonnelle » n’existait point, que, l’homme ne pouvant pas sortir de lui-même, ce n’est jamais la pensée d’un autre qu’il pouvait atteindre, mais la sienne seulement, — modifiée, excitée plutôt par la rencontre de celle d’un autre, — qu’il pouvait saisir, analyser, développer et exprimer. »

Dans ses romans, M. France est moins un romancier proprement dit qu’un moraliste. « Soit dans la boutique de son père, soit sur ses quais familiers où se fit sa première éducation intellectuelle, il fut tout d’abord en commerce journalier avec les livres. Enfant, par leur aspect même, les bouquins rongés de vers lui inspirèrent « un profond sentiment de l’écoulement des choses ». Puis, en lisant à tort et à travers, il s’aperçut assez vite que la pensée de l’homme est pleine d’incertitude et de contradictions… Élevé par une mère pieuse, la Légende dorée