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Repu du lait des noix et couché sur les palmes,
Il s’endormit heureux dans ses frais cocotiers,

Avant qu’un grand navire, allant vers des mers froides,
L’emportât au milieu des clameurs des marins,
Pour qu’un jour, dans le vent qui lui mordit les reins,
La toile, au long des mâts, glaçât ses membres roides ?

A cause de la fièvre aux souvenirs vibrants
Et du jeûne qui donne aux âmes l’allégeance,
Grâce à cette suprême et brève intelligence
Qui s’allume si claire au cerveau des mourants,

Ce muet héritier d’une race stupide
D’un rêve unique emplit ses esprits exaltés :
Il voit les bons soleils de ses jeunes étés,
Il abreuve ses yeux de leur flamme limpide.

Puis une vague nuit pèse en son crâne épais.
Laissant tomber sa nuque et ses lourdes mâchoires,
Il râle. Autour de lui croissent les ombres noires :
Minuit, l’heure où l’on meurt, lui versera la paix.


(Les Poèmes dorés.)