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Dans ses premières Poésies (1879), œuvre de jeunesse et, déjà, œuvre définitive, le poète apparaît tout entier, « avec la double personnalité du poète moderne, harpe éolienne où vibre l’écho des harmonies universelles et en même temps soldat de l’idéal, défenseur des nobles causes ». « Et ce mélange d’une ferveur idéaliste avec une vive sensibilité, on le retrouve dans les recueils qui ont suivi. Abeille dont la ruche fut en Bourgogne, le pays natal l’attire ; il célèbre les vins de la côte, les grands crus sacrés à la robe écarlate ; mais un patriotisme ardent, et qui n’a pas oublié, le ramène souvent à la frontière en deuil, au lion de Belfort, aux villes d’Alsace. » (Camille Le Senne.)

M. Lucien Paté, entré dans l’administration des beaux-arts en 1873, y remplit actuellement les fonctions d’inspecteur général des monuments historiques. Il est chevalier de la Légion d’honneur.


TOUJOURS AIMER

Moi, je veux admirer, car c’est aimer toujours !
Les Admirations sont les sœurs des Amours.
Tout enfant, j’adorais les beaux vers et les roses.
J’avais des pâmoisons devant les belles choses.
J’admirais par les yeux, — par l’esprit plus encor.
Je me cachais de tous pour ouvrir mon trésor,
Quelque chef-d’œuvre antique ! Et mon esprit agile
Volait aux rendez-vous que me donnait Virgile !
Du jour qu’à mon oreille il chanta, je l’aimai ;
Et cet amour en moi naquit au mois de mai.
L’abeille butinait tout autour de mon livre.
J’admirais, — non, j’aimais et je me sentais vivre !
L’esprit, comme le cœur, a des éveils charmants.
Il ne sait, cherche, hésite, et des ravissements
Lui viennent, chaque fois que, dans l’ombre cachée,
Se lève, à son appel, une image couchée,
Qui dormait dans un livre ainsi que dans son lit,
El s’y rendort, quand c’est un profane qui lit !
Car, pour l’esprit, le Livre est la forêt magique
Où, sous les mots muets, l’Image léthargique
Peut dormir deux mille ans sans en craindre d’affront,
Sans ride, inaltérable et la fraîcheur au front,
Aussi jeune, aussi pure, en sa divine argile,