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s’adresser à la multitude des êtres humains réunis en société, c’est pour essayer de les élever à la compréhension d’un art pur, sain et original.

L’action du jeune poète se fit bientôt sentir ; à beaucoup elle parut salutaire.

M. Maurice Magre est un lyrique large, simple, éloquent. « La Chanson des Hommes, dit M. Pierre Quillard, est le robuste chant d’une voix pure… Ce livre sera aimé surtout par ceux qui ont gardé le goût de l’éloquence latine et des amples développements sur des thèmes éternels. Il se peut que les sujets soient modernes ; ils sont traités d’après les traditions antiques. Le rythme en est abondant et facile… »

Comme La Chanson des Hommes, le deuxième volume de M.Maurice Magre : Le Poème de la Jeunesse (1901), avec une plus grande variété de rythmes, contient des vers où l’assonance, souvent, remplace la rime, mais qui ne laissent pas que d’être harmonieux, et où déborde une belle verve juvénile. Ici encore, le poète écrit avec son cœur, qui a aimé et souffert. Il chante la vie avec ses joies et ses tristesses. Il en dépeint les divers aspects. L’humanité souffrante occupe une large place dans ce livre d’Amour et de Pitié, où passe, comme dans le premier, un grand souffle révolutionnaire. L’auteur aime l’âme des humbles. Il en extrait magnifiquement l’essence divine.

On remarque toutefois, ça et là, dans Le Poème de la Jeunesse, une tendance à étaler, un peu brutalement et un peu inutilement peut-être, quelques-unes des plaies do la société et les secrètes misères de l’âme humaine. La Prostitution, pièce d’ailleurs admirable, contient des vers d’une crudité de tons extrême, et tels vers de l’une des dernières pièces du recueil, Le Poète et la Nature, semblent déjà préluder aux « révélations » du nouveau volume de M. Maurice Magre, Les Lèvres et le Secret, livre très « inattendu » cependant et qui, au moment de son apparition, en mars 1906, déconcerta quelque peu la critique. Celle-ci s’étonna surtout do n’y retrouver aucune des préoccupations sociales de l’auteur. Ce livre étrange et très original — quoiqu’il rappelle par certains côtés Alfred de Musset, et aussi Jean-Jacques Rousseau — est, en effet, le plus individuel et le plus personnel qui soit. L’auteur s’y analyse lui-même avec une acuité singulièrement cruelle. Il y confesse jusqu’à « ses bassesses et ses turpitudes »• Dans ces Confessions, — sincères, sans doute, et qui sont comme l’aveu de la faiblesse humaine sous toutes ses faces —beaucoup de tendresse, le cuisant rcgret de telles défaillances, et un siucère repentir aussi, se cachent, assez mal parfois, sous le masque d’un cynisme outré, témoin ces vers qui rappellent La Confession d’un Enfant du siècle :

J’ai le besoin profond d’avilir ce que j’aime…