Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t3.djvu/272

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— Puis le silence glisse au bord des monuments
Et dans les carrefours fait des signes étranges ;
Il endort les humains, il berce les amants
Et dans les vitraux bleus ferme les yeux des anges.

De vieux mendiants qui vont en regardant le ciel
Ont des airs de dément et des yeux de prophète ;
La mort chemine avec son grand geste éternel,
La pitié meurt au seuil des églises muettes ;

Un fiévreux voit le Christ passer dans l’hôpital,
Revêtu d’un suaire, aux clartés des veilleuses ;
Un poète, songeant au village natal,
Meurt tout seul, sans amouretsuns feu : Paris pleure…

— Sois maudite, ô cité dont le cœur est de pierre
Ainsi que tes pavés et que tes monuments !
Les pleurs ne mouillent pas le fer de tes paupières,
Tes mains sont rouges de mêler l’or et le sang !

Tu n’entends pas monter la voix de tes enfants,
Clameur des torturés et sanglots de reproche !
Tu ne gémis jamais dans leurs gémissements,
Et ton cœur ne bat pas lorsque sonnent tes cloches !…

Le soir, les maladies errent devant les portes
Et touchent les mortels avec leurs maigres doigts.
« Quel est ce voyageur, dit-on, que l’ombre apporte
Et dans l’air, comme un fou, trace de grandes croix ?

« Il rit s’il voit passer des cortèges en deuil,
ll a traîné parmi la pluie et les banlieues ;
Il fait, rien qu’en frôlant les enfants sur les seuils,
Rire et se convulser leurs pauvres faces bleues… »

Tes maisons de plaisir et tes prostituées,
La rumeur de leur rire et l’odeur de leur fard,
Les baisers et les vins dans les orgies mêlés,
Les rôdeuses tournant, blêmes, dans le brouillard

Comme au vent de la nuit tournent les feuilles sèches,
Les cris de la misère et de la volupté,
Font tellement de bruit que dans l’ombre ils empêchent
La vierge de dormir, le sage de penser…

Sois maudite, ô cité ! Tes jours sont révolus !
J’ai lu ta destinée dans le feu des planètes ;