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Dieu et l’Au-delà, si l’on veut. Les naturalistes avaient « le vrai » pour objet principal ; ils prétendaient ne trouver le beau artistique que dans la reprodnction exacte de la nature laide et sale. Il suffisait de lever la tète vers un art plus noble. Le Beau ue peut être défini. Cependant, d’après M. Charles Morice, « il est essentiellement Xaspect en beauté des idées religieuses d’une race et d’une époque vivante… » L’initiale prudence de l’artiste est d’éviter la précision, car « plus une pensée est grande, et plus il faut la voiler, comme on enveloppe de verre les flammes des flambeaux et des soleils. Le rythme est tout dans cet art, les mots n’ont de valeur que par leurs assonances musicales et leur couleur se perdant dans l’invisible d’un lointain symbole ». Tout l’art symbolique est dans ce mot : La Synthèse. « La grande destinée de la poésie est de suggérer tout l’homme par tout l’art. »

Voici comment raisonue M. Charles Morice : L’homme a été étudié dans son âme, dans ses sentiments et dans ses sensations. Les époques classique, romantique et naturaliste s’y sont employées par l’analyse. La poésie nouvelle doit faire maintenant la synthèse de ces forces acquises durant trois siècles de labeur. Venant après les autres, les Symbolistes, sans rien oublier des conquêtes du romantisme et du naturalisme, doivent songer à mettre une âme dans un corps agissant, et pour cela retourner aux traditions spirituelles et classiques, avec cette différence que le temps des idées générales est passé. L’analyse classique pour étudier en eux-mêmes les éléments du sentiment, l’analyse naturaliste pour étudier en eux-mêmes les éléments de l’âme, l’analyse romantique pour étudier en euxmêmes les éléments de la sensation, ont pu se contenter d’exprimer leur objet particulier tel qu’elles l’avaient dégagé de ses entours ; mais la synthèse ne peut se localiser ni dans la pure psychologie passionnelle, ni dans la pure dramatisation sentimentale, ni dans la pure observation du monde tel que nous le voyons dans l’immédiat, puisqu’elle risquerait également dans les trois domaiues de cesser d’être la synthèse et de redevenir l’analyse : d’où l’évidente nécessité de la fiction symbolique, libérée aussi bien de la géographie que de l’histoire, dans l’abstraction, le rêve et le symbole. Sur ces trois mots qu’il emprunte à Taine, M. Charles Morice établit tout l’édifice du symbolisme. ll distingue une question de fond et une autre de forme. Quant au fond, M. Morice dit : « Ceux qui viennent, c’est-à-dire les Esthètes nouveaux, ont ce double trait commun : un sentiment très vif de la beauté et un furieux besoin de vérité. * Cette vérité pourtant n’apparaîtra jamais dans une clarté limpide, car le maître dit à ses élèves : « Ta pensée, garde-toi de la jamais nettement dire. Qu’en des jeux de lumière et d’ombre elle semble toujours se livrer, et s’échapper sans cesse. » Quant à la forme, il estime que les procédés qui ont suffi à l’analyse du composé