Page:Walch - Poètes d’hier et d’aujourd’hui, 1916.djvu/260

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— Un soir, las de Sporus, peut-être d'Agrippine
(Pauvre âme, tu n'avais qu'une mère à chérir),
Condamnant vieille un peu la farce des rapines,
Mais décrétant tes jours trop jeunes pour mourir,
 
Tu brûlas Rome et fis semblant de t'amuser,
Et Doryphore loua ton oeuvre en bâillant.
Puis tu vis Néropolis neuve s'élever.
L'orgueil de vivre fait les hommes si vaillants...

Aimais-tu les dieux ? Non ; tu n'avais même pas
Le souci de t'aimer toi-même. Et tes amantes,
Et tes amants ? Ô les questions innocentes !
Hélas ! pas même ceux que ta haine frappa ?

Pourtant, pourtant, — pendant des heures et des heures,
Ah, j'en suis sûr, tandis qu'au loin sur les vergers
La lune planait chaude et rouge, en tes demeures
Sinistres de perles et d'or, seul tu songeais

Ah ! j'en suis sûr, pendant des heures et des heures,
Fatigué des chants de Terpnus et des cithares,
Abandonné dans le soir roux des parfums rares,
Tu te voilais le front, comme un enfant qui pleure.
 
Des lumières en jardins pâles sur le Tibre
Descendaient vers la mer avec les sons lointains,
Et ton âme était comme une corde qui vibre
À mourir, sous les doigts d'un joueur pris de vin.
 
Sous la fuite du ciel au vent des cimes hautes
Tu songeais, seul aux terrasses des Esquilies,
Au lent poison de vivre, au fatal antidote,
La mort, qui guérit la sagesse et la folie,

Les doux Britannicus et les pauvres Néron,
Et tombe doucement, ainsi qu'une bruine,
Sur les roses d'orgueil et l'herbe des ruines
Dans la vallée où l'écho jamais ne répond.

Tu songeais, tu songeais. La nuit sur la torpeur
De ta chair se pâmait en brises de baisers,
Et tu regardais luire à tes pieds les rosées,
Attentif au petit bruit du sang dans ton cœur,