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MICHEL VASSON

II

Devant le gibet noir que battent les vents fous,
Fixé sur le portail vermoulu d’une grange,
Un hibou monstrueux, comme une loque étrange,
Pend au battant disjoint où l’attachent deux clous.

Ses grands yeux desséchés ne sont plus que des trous.
Sous la vermine infatigable qui le mange,
Sa tête se déplume et son aile s’effrange ;
Une effroyable odeur sort de son ventre roux.

Et nul ne les salue, et nul ne les regarde,
Les deux crucifiés à la tête hagarde,
Le misérable oiseau, le rédempteur divin ;

Et tous deux, depuis bien des heures, face à face,
semblent suivre de leurs yeux morts où tout s’efface
La haine et la douleur passant sur le chemin.


III

Au-dessous d’eux, sous le ciel lourd de trahisons,
Traînant de l’aube au soir son labeur et sa peine,
Toute une humanité fiévreuse se démène,
dans le décor changeant de l’heure et des saisons.

Là-bas, devant le seuil hostile des maisons,
Des mendiants très las geignent leur plainte vaine ;
Des chevaux surchargés, et qu’une brute mène,
Tombent. Partout du deuil à tous les horizons.

Partout, sur chaque mont et sur chaque colline,
Ployés sous le poids de leur tête qui s’incline,
Dans le calme des nuits, dans la fureur des jours,

D’autres Christs mutilés et d’autres bêtes mortes
Font sur le bois des croix et sur le bois des portes
Le geste de pleurer et de souffrir toujours.


IV

Tes croix penchent comme des troncs déracinés
Sur les calvaires nus que la bise ravage ;
Ta voix ne s’entend plus, ô Christ, et ton image
S’efface lentement au cœur des derniers-nés !