Page:Walch - Poètes d’hier et d’aujourd’hui, 1916.djvu/481

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S’effacent à côté de sa déité blonde.
Elle est fragile, elle est puissante, elle est ici
Le philtre triomphant qui chasse le souci,
Elle fait oublier, elle règne, elle plonge
L’homme qui s’en approche au sein riche du songe ;
Elle est palpable, elle est tangible, et l’on a peur
De la voir tout à coup fuir comme une vapeur,
S’éclipser, dans les doigts frémissants, comme un rêve.
On craint le temps qui fuit, et l’heure parait brève,
Et la vie à ses pieds semble n’être plus rien
Qu’un songe qui palpite au ciel aérien.
Elle trône sur nous, nébuleuse et prolixe.
Elle est lointaine et proche, et, quand l’homme la fixe,
Il croit voir sur l’azur magnifiquement bleu
Une émanation gracieuse de Dieu.
Le cœur se trouble et bat soudain quand elle passe.
Son regard illumine et parfume, et sa grâce
Est le présent sacré du ciel à l’être humain.
Elle tient l’infini terrestre dans sa main,
Elle est le clair soleil qui réchauffe la terre,
Elle garde en son sein tout l’exaltant mystère
De la vie inquiète et des créations.
Elle est sur nous comme une averse de rayons
Illuminant les sens et transportant les âmes.
Ses yeux semblent tisser d’impérissables trames
Dans lesquelles, sans fin, les plus purs d’entre nous
Tombent, en proie au mal équivoque et jaloux.
Elle est la force haute, instinctive, éternelle ;
Toute la vie obscure et rude agit en elle,
Elle crée à jamais, inlassable et sans fin.
Son baiser radieux est suprême et divin,
L’homme qui l’a goûté veut le goûter encore,
Et le cœur pur, le cœur tourmenté qui l’ignore,
Rêve de se plonger dans ce gouffre béant,
Trompeur comme un mirage et comme l’Océan.
Elle est, parmi les fleurs, la fleur sainte et féconde,
Son sein, jamais tari, renouvelle le monde,
Elle donne la vie, elle crée en ce lieu,
Magnifique, et puissante et belle comme Dieu.

(La Divine Folie.)