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auguste.

On fit quelques cadeaux à la fermière, et l’on revint au château.

« Fi ! que c’était mauvais, répétait encore Auguste en se mettant à table pour dîner.

— Je ne te dis pas le contraire, mon ami, reprit son père ; que tu t’en plaignes à présent, je le conçois ; mais je ne saurais trop te recommander de ne jamais trouver à redire à ce que tu manges, lorsque tu te trouves chez des étrangers, et surtout chez des personnes qui se regardent comme tes inférieurs. Cette brave Jacqueline t’a donné ce qu’elle avait de meilleur, ce qu’elle croyait fermement devoir te paraître excellent. Juge de sa mortification lorsqu’elle t’a entendu t’écrier : Il faut avouer que c’est joliment mauvais ! Tu ne te fais pas d’idée encore combien un mot dit inconsidérément peut blesser ! Il faut te tenir désormais sur tes gardes ; il est si pénible d’affliger ceux qui cherchent à nous être agréables ! Eh bien, mon ami, Jacqueline a eu, quoiqu’elle soit sans éducation, le bon esprit de ne pas te laisser voir l’humiliation qu’elle éprouvait ; au lieu de te répondre aigrement, ainsi que tu le méritais : Pourquoi venez-vous manger chez moi ? vous savez bien que ma cuisine ne ressemble pas à la vôtre ; elle t’a offert avec bonté du lait, et a paru fort joyeuse de te voir le trouver bon.

— J’ai eu bien tort, mon cher papa, s’écria Auguste les yeux pleins de larmes, et reposant dans son assiette sa cuillère pleine de soupe, qu’il n’avait pas le courage de porter à sa bouche, je voudrais retourner chez Jacqueline ; je crois que je pourrais me forcer assez pour manger de la galette.

— Nous ferons cet essai avant de retourner à Paris, mon ami ; il faut s’habituer à manger de tout ; nul ne peut savoir dans quelle position il se trouvera. Tu vois combien cette galette semble bonne, même encore à Delriau ; pourquoi