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auguste.

ii. — Le Portrait qui marche.


« Un soir, Henri faisait sa prière, et on avait allumé la veilleuse ; c’était la seule lumière que le domestique leur eût laissée, en leur recommandant bien de s’endormir aussitôt leur prière faite. Mais Ernest, au lieu de prier, faisait la culbute sur son lit, et empêchait Henri de prier lui-même. Lorsque Henri fut couché, il se mit à regarder les grands portraits, et il leur souhaita le bonsoir, d’une voix douce et caressante lorsqu’il regardait les uns, et d’une voix craintive lorsqu’il regardait les autres. — Tu es bon enfant, lui dit Ernest, est-ce que tu crois qu’ils t’entendent ? — Oui, reprit Henri : maman dit souvent que les parents veillent du haut du ciel sur leurs enfants ; puisqu’ils nous voient, ils doivent nous entendre. — Eh bien ! s’ils nous entendent, ils doivent bien rire, car nous disons de fameuses bêtises, moi surtout ! Allons, ne sois pas timide comme une fille ; regarde et fais comme moi ; n’aie pas peur ! s’ils nous voyaient, ils nous le rendraient bien. Ernest s’assit sur son séant et se mit à saluer tous les portraits ; mais d’un air si moqueur, que le petit Henri, au lieu de rire, avait envie de pleurer. Fi ! que c’est mal ! lui disait-il ; le bon Dieu te punira. Oh ! que tu es laid ! oh ! l’épouvantable grimace ! Et Henri, tout effrayé, se cacha la tête sous sa couverture ; au même instant la veilleuse s’éteignit ! et… »

Auguste s’arrêta tout court ; il regarda les deux lampes, et un grand portrait placé au-dessus d’une commode.