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LA MIMIQUE ET LES AUTRES RESSEMBLANCES

à un groupe dont les oiseaux font leur nourriture habituelle, serait presque aussi bien protégé, s’il arrivait à ressembler extérieurement à une Héliconide, que s’il acquérait son odeur particulière, toujours supposant que cette ressemblance n’appartint qu’à un petit nombre d’insectes dispersés parmi les Héliconides. Si l’oiseau ne peut pas distinguer les deux espèces, et qu’il n’y ait en moyenne qu’un seul insecte mangeable sur cinquante, il renoncera bientôt à le rechercher, même s’il sait qu’il existe. D’autre part, si un papillon d’un groupe mangeable acquiert le goût désagréable des Héliconides tout en gardant la forme et la couleur de son propre groupe, la chose ne lui sera d’aucune utilité, car les oiseaux continueront à le prendre parmi ses semblables beaucoup plus nombreux ; même s’il était rejeté, il serait blessé et mis hors d’état de se reproduire, aussi bien que s’il était dévoré. Il est donc important de comprendre que si un genre quelconque appartenant à une grande famille de papillons mangeables est exposé à être exterminé par des oiseaux insectivores, et si deux formes de variations se développent parmi eux, l’une par l’acquisition d’un goût un peu désagréable, l’autre par une faible ressemblance avec les Héliconides, cette dernière qualité sera beaucoup plus avantageuse que la première. Le changement d’odeur n’empêcherait point les individus d’être capturés comme auparavant, et avant d’être rejetés, ils seraient presque entièrement désemparés ; un commencement de ressemblance avec les Héliconides serait au contraire d’emblée un avantage positif, bien que petit, car, vu de loin, l’insecte