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DE LA TENDANCE DES VARIÉTÉS À S’ÉCARTER

abri, pour protéger et nourrir ses petits et lui-même. Tous les muscles de son corps sont mis journellement et à toute heure en activité ; toutes ses facultés sont fortifiées par l’exercice. L’animal domestique que l’homme nourrit, abrite, enferme même, pour le garantir des intempéries des saisons, peut à peine élever ses petits sans l’assistance de l’homme. La moitié de ses sens lui sont donc inutiles, et ceux mêmes dont il se sert, comme aussi son système musculaire, ne sont que rarement et irrégulièrement mis en action : si donc chez un semblable animal il se produit une variété dans laquelle la puissance d’un organe ou d’un sens soit augmentée, cette faculté est tout à fait inutile, car elle n’est jamais employée, et pourrait même exister sans que l’animal s’en aperçût. L’animal sauvage, dans un cas semblable, profite immédiatement de tout surcroît de forces, et l’augmente par l’exercice. On verra même se modifier l’alimentation, les mœurs et toute l’économie de la race. Il se crée ainsi un être nouveau, plus parfait et qui se perpétuera aux dépens des variétés inférieures.

Il faut remarquer aussi que chez les animaux domestiques, toutes les variations ont la même chance de durée ; car celles qui, à l’état sauvage, le rendraient inhabile à vivre ne lui offrent aucun désavantage.

La nature seule n’aurait jamais donné naissance à nos porcs, si rapidement engraissés, à nos moutons à jambes courtes, à nos pigeons grosse-gorge, à nos chiens barbets ; car le premier pas vers ces formes dégénérées aurait amené l’extinction rapide de la race ;