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LA MIMIQUE ET LES AUTRES RESSEMBLANCES

peu. Nous pouvons conjecturer, d’après les analogies, que dans ce cas-ci comme dans d’autres, ses mœurs sont de nature à le mettre à profit ; mais cette supposition est superflue, car j’ai pu moi-même observer et prendre de nombreux Kallima paralekta à Sumatra, et je puis garantir l’exactitude des détails suivants. Ces papillons fréquentent les forêts sèches, et volent très-rapidement. Ils ne s’arrêtaient jamais sur une fleur ou une feuille verte, mais on les perdait souvent de vue sur un buisson ou un arbre mort, duquel, après avoir cherché longtemps en vain, on les voyait soudain s’élancer, quelquefois de la place même sur laquelle on avait les yeux fixés, pour disparaître de nouveau vingt ou trente mètres plus loin. Je trouvai une ou deux fois l’insecte au repos, et je pus constater alors la perfection de sa ressemblance avec les feuilles sèches. Il se tient sur un rameau presque vertical, les ailes exactement rapprochées, cachant entre leurs bases sa tête et ses antennes ; les petites queues des ailes postérieures touchent la branche, et forment le pédoncule de la feuille, qui est maintenue en place par les griffes de la paire de pattes médiane, lesquelles sont très-minces et peu apparentes ; le contour irrégulier des ailes offre l’aspect d’une feuille ratatinée. Nous avons donc ici la dimension, la couleur, la forme, les taches et les habitudes, combinées pour produire un déguisement qu’on peut dire parfait : l’efficacité de cette protection est suffisamment attestée par le nombre des individus qui en jouissent.

Le Rév. Joseph Greene a attiré l’attention sur l’har-