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LA MIMIQUE ET LES AUTRES RESSEMBLANCES

directe qu’il s’agit d’un phénomène semblable. Les forêts du Brésil renferment de grandes quantités d’oiseaux insectivores, tels que les jacamars, les trogons et les tamatias qui saisissent les insectes au vol ; ils en détruisent un grand nombre, comme le prouvent les ailes des victimes souvent trouvées sur le sol, là où leurs corps ont été dévorés ; on n’y trouve jamais celles des Héliconides, mais fréquemment celles des grandes et brillantes Nymphalides, dont le vol est beaucoup plus rapide. De plus, un voyageur, récemment revenu du Brésil, a raconté à une séance de la Société entomologique, comment il avait un jour observé un couple de tamatias qui prenaient des papillons et les portaient à leur nid pour nourrir leurs petits ; pendant une demi-heure qu’ils furent observés, ils ne prirent pas une seule des Héliconides qui volaient paresseusement en grand nombre autour d’eux, et qu’ils auraient pu saisir plus facilement qu’aucun autre. Celle circonstance même engagea M. Belt à les observer si longtemps, car il ne pouvait comprendre pourquoi les insectes les plus communs étaient entièrement laissés de côté. M. Bates nous a raconté aussi qu’il ne les a jamais vus attaqués par des lézards ou des mouches carnassières, qui souvent fondent sur d’autres papillons.

Nous pouvons donc admettre comme très-probable, sinon comme prouvé, que les Héliconides trouvent dans leur odeur et leur goût, une protection contre les attaques ; et alors nous comprenons plus facilement leurs principaux caractères : leur grande abondance, leur vol lent, leurs couleurs voyantes, et l’absence complète de