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et à minuit notre grande voile de Perroquet se déchira, et un des Couets de la grande voile se rompit. Depuis ce jour jusqu’au 23 le tems fut plus favorable, quoiqu’entremêlé de grains de pluie et de neige ; cependant les vagues ne diminuoient pas, et le Vaiffeau travaillé par cette grosse mer s’étoit tellement entre-ouvert dans ses œuvres mortes, qu’il faisoit eau par chaque couture, et qu’il n’y avoit pas un recoin qui ne fût exposé à l’eau de la mer. Les Officiers mêmes n’étoient pas à sec dans leurs lits, et il ne se passoit pas deux nuits, que quelques-uns d’eux ne fussent obligés par un déluge qui venoit les inonder, de se lever brusquement.

Le 23 nous essuyames une très violente tempête, avec grêle et pluie et une très haute mer ; et quoique nous eussions amené la voile du grand Perroquet avant que le vent fût au plus fort, nous en trouvâmes pourtant la vergue rompue ; un moment après la Ralingue de la grande voile se rompit, cette voile même se déchira en lambeaux, et malgré tous nos efforts, la plus grande partie en fut emportée dans la mer. Le Commandeur fit signal à toute l’Escadre de mettre à la Cape, après quoi le vent étant venu à tomber, nous eumes le tems de faire descendre notre vergue de Perroquet, pour y faire travailler les Charpentiers, et celui de réparer nos agrés. Ayant ensuite remis une autre grande voile, nous continuames notre voyage avec un vent frais et modéré ; mais en moins de vingt-quatre heures, nous fumes accueillis par une tempête plus forte encore que la précédente. Ce fut un vrai Ouragan, qui nous réduisit à pouger à mats et à cordes. Notre Vaisseau tenant le vent mieux que les autres, nous fumes obligés l’après-midi de virer de bord pour nous raprocher du reste de l’Escadre, qui étoit au dessous du vent, et dont nous craignions de nous séparer pendant la nuit : et comme nous n’osions mettre aucune voile au vent, nous eumes recours à un expédient, qui fut de pousser la barre au vent, et de remplir de monde les Haubans de l’avant. Cette maneuvre nous réussit, mais elle nous couta un de nos meilleurs Matelots qui tomba dans la mer. Quoique les Flots fussent d’une agitation terrible, il nagea vigoureusement, et ce ne fut qu’avec une douleur extrême que nous sentimes l’impossibilité de lui donner aucun secours et que nous le perdimes de vue nageant toujours et lutant contre les vagues, d’une manière à nous faire croire qu’il resteroit encore du tems dans l’horreur de sa situation désespérée.

Avant que cette dernière tempête fût tout-à-fait passée, nous nous apper-